Ma porte d'entrée sur les questions d'organisation collective, de répartition du pouvoir, sur la lecture des abus de celui-ci, sur des expérimentations en quête d'égalités, de parole plus libre, de relations moins violentes, s'est faite d'abord en séjour de vacances, en "colo", entre 2012 et 2017. J'ai eu la chance de faire partie d'équipes en Recherche-action sur des séjours en décision partagée avec des jeunes, avec l'association AJD (Aide aux Jeunes Diabétiques). Cette recherche était accompagnée par le chercheur Jean-Michel Bocquet et nourrie par l'ensemble des équipes de ces séjours.
   Depuis mes 17 ans, j'avais travaillé comme animatrice avec la joie de côtoyer l'enfance, mais aussi la frustration de voir des adultes imposer des décisions arbitraires à des jeunes. Frustration d'être souvent moi-même impliquée dans ces rapports, souvent dans la sensation de quelque chose d'injuste, pour les enfants comme pour moi-même. J'étais régulièrement animatrice au sein d'équipes où le droit du travail était piétiné, où je ne sentais aucun pouvoir d'initiative, où les principes appliqués relevaient davantage d'interprétations, de préjugés et de jeux de pouvoirs que de réelles motivations éducatives. Bizutage, harcèlement, violence éducative, abus : vécus souvent comme des espaces en marge de la "vraie vie", espaces où les pratiques se transmettent sans être pensées et situées, les colos peuvent être le terrain du pire.
   En Pédagogies de la Décision, et au sein de la recherche-action, j'y ai aussi vécu des moments de reprise de pouvoir, d'alignement, de réparation, de compréhension, d'apprentissage, de lien avec une sensation de justesse, de rencontre admirative des enfants, des ados, des autres adultes. Cette expérience a fondé ma conviction qu'il est possible de construire des espaces égalitaires, où l'intelligence collective et le travail sur des relations d'estime et de reconnaissance fondent un vivre ensemble capable de répondre aux situations de violence. 
   Les visions et outils que nous avons travaillé dans ces séjours ont dessiné un fil rouge que je ne quitte pas depuis : la lecture des situations dans un regard plus large, sociologique, avec le filtre des rapports de pouvoir. La réflexion sur les conditions d'une parole libre, sur l'émergence de rapports libérés d'une forme de hiérarchie, sans toutefois effacer la conscience des asymétries. Et tant d'autres choses...
   Je partage dans cette première section des ressources en lien avec les Pédagogies de la décision, mais aussi avec la réflexion sur la place que nous faisons à l'enfance dans les sociétés occidentales. Sur les rapports de domination dans lesquelles elle est  maintenue, et sur toutes les pistes qui pourraient l'en délivrer, venant réparer une expérience qui me semble commune, puisque nous avons, toustes, été enfants. Il me semble que c'est en nous reliant à cette expérience fondatrice d'une diminution de notre pouvoir, que nous pouvons comprendre ce qui se joue pour toutes les autres catégories opprimées. Que c'est parce que nous pouvons nous relier à ce premier vécu de silenciation et à ses dommages que nous pouvons comprendre en quoi son renversement est nécessaire, partout où il y a des dominations.